philosophie
La route nous pousse à sortir de nos habitudes
Car voyager déconstruit surtout les certitudes.
Après toutes ces découvertes expérimentées
La barbe pousse avec pleins de nouvelles idées.
A quoi bon essayer de lutter quand tout vous pousse à partir ? Longtemps j’ai résisté à cette sensation bizarre, celle qui prend les tripes et pousse à croire en son étoile. A force de combattre sa propre nature, les symptômes s’aggravent, les convictions aussi et tout finit par vous exploser en pleine face. Alors, après cette déflagration douloureuse, j’ai pris un sac.
la ruée vers l'ouest canadien
Je suis parti par curiosité et surtout pour me sauver moi-même. A la façon d’un voyage initiatique ou d’un rite de passage à l’âge adulte, mes premiers voyages invitaient au dépassement de soi sans comprendre qu’on n’en revient jamais indemne. Parfois sans eau ni nourriture, souvent sans argent, occasionnellement sans abris mais tout le temps désorienté c’est finalement la perte de repère qui m’a permis de retrouver le nord.
Voyager c’est avant tout se mettre à nu. C’est se dépouiller soi même pour mieux s’ouvrir au monde. Un peu comme l’écriture où plus l’on gratte le papier et plus l’âme s’apaise, sur la route, plus les semelles s’usent, et plus on s’allège. Entre minimalisme et inconfort, le voyage aiguise la pensée et nous fait comprendre que le consumérisme ne nous rend pas plus heureux. De l’auto-stop au pédalage en passant par la marche à pied, voyager lentement sert à se réapproprier ses sens et apprendre à se servir du sixième.
Avec un des 27 huskies dont j'avais la charge, ici, le jeune "Flare"
« Oser », c’est ce que je voulais et surtout ce que j’aimais. Le sac sur le dos et les deux pieds en avant, j’ai appris à me débrouiller sur le tas et surtout à écouter mon instinct, celui qui noue l’estomac dans les heures délicates ou qui donne la chair de poule dans les minutes fantastiques. Ce sixième sens, c’est ce qui nous rend vivant et qui nous rappelle que notre côté animal souhaiterait ne faire qu’un avec le monde.
Gjirokastër, Albanie
Dans les pays développés je voyage uniquement sans argent. Voyager sans argent, c’est un peu dormir n’importe où et manger n’importe quoi. Lorsque l’on voyage de cette façon, la vulnérabilité attire la bienveillance et on se retrouve finalement à ne croiser que les bonnes personnes. Se déplacer sans un sous en poche, c’est retourner aux valeurs universelles et c’est surtout apprendre à faire confiance.
Dans les pays en développement, pour des raisons éthiques, je dépense mes économies toujours localement au profit de ceux qui en ont le plus besoin. Dans ces pays, plus c’est local et plus c’est génial ! Que ce soit l’hébergement, la nourriture, les croyances ou les rencontres, s’immerger respectueusement est la clé qui vous ouvre toutes les portes.
Entre minimalisme et inconfort, j’ai donc fais le choix d’une vie plus simple, plus humaine. Se dépouiller du matériel, de ses peurs et de ses préjugés permet de mieux se découvrir soi même et de donner un nouveau sens à la vie.
De l’errance canadienne, à l’éveil spirituel d’Asie, de la solitude de la route de la soie à la débrouillardise des sentiers d’Europe, j’avance toujours pour tirer des leçons. Mais une fois sur les sentiers du monde : comment fait-on ?
se déplacer
Le stop
C’est le moyen que j’ai le plus utilisé dans mes pérégrinations. Simple mais pas toujours facile, il faut être patient et mettre sa timidité de côté. Rentrer dans des véhicules d’inconnus, c’est une belle aventure humaine. Un curé en retard pour la messe, un gars juste sorti de prison, une femme seule et enceinte, un papa veuf, une famille recomposée, un couple de retraités pas très rassuré, un groupe de musique en tournée, des hippies en camion aménagé, des paysans kirghizes, des chamans amérindiens, des camionneurs ouzbeks, des policiers azéris, des ONG afghanes et j’en passe, le plus important, c’est qu’à la fin, on en sort grandi et plus riche.
Auto-stop, camion-stop, bateau-stop, train-stop, taxi-stop, police-stop, scooter-stop, tracteur-stop, motoculteur-stop, charrette-stop sont autant de véhicules empruntés lors de mes vagabondages improvisés.
bien installé sur des sacs de riz dans la remorque d'un motoculteur en Birmanie
Dans un tracteur au Kirghizistan
Sous la chaleur de la vallée du Wakhan au Tadjikistan
Le vélo
Pédaler c’est bon pour la santé, la nôtre et la sienne. Dans ces heures sombres où l’Anthropocène est à son paroxysme, notre belle planète mériterait bien que l’on s’intéresse à elle. Certes, le nomadisme contemporain n’est pas le mode de vie le plus écologique, mais pédaler permet d’apprécier la lenteur et de s’enivrer de la beauté de celle que l’on doit protéger. Voyager en vélo, c’est se libérer de la contrainte du temps et comprendre qu’il faudrait mieux le prendre au lieu de lui courir après.
le jour de mon anniversaire en Croatie
La marche
Qui n’a jamais rêvé de se retrouver seul(e) face aux paysages les plus spectaculaires de la planète ? Et bien pour y arriver, il n’y a pas de secret : il faut marcher. User de la semelle, c’est une histoire d’intimité paradoxale. C’est savoir apprécier la solitude pour mieux se retrouver soi même mais c’est aussi comprendre que nous ne sommes pas seuls sur notre belle planète. Dans l’équation il y a nous et il y a les autres… Du végétal à l’animal, marcher nous reconnecte à notre environnement et nous pousse à toujours aller plus loin malgré le dénivelé…
perdus avec mon compagnon de voyage, Ladakh, Inde
Malaisie (sur l'île de Bornéo)
Dans les montagnes, au Népal
Les transports locaux
De la voiture rouillée aux portières inexistantes et au moteur douteux en passant par les vieux camions zigzaguant à 100km/h sur les sentiers sinueux de l’Himalaya, voyager local c’est aussi se heurter aux différents moyens de locomotions utilisés au quotidien. Que ce soit sur les sentiers de l’école ou du travail, ceux qui se déplacent dans les coins reculés ne manquent pas de courage. C’est excitant et souvent dangereux mais la chèvre et le poulet sur vos genoux risquent leur peau autant que vous…
sur les portes bagages d'un train indien
se nourrir
Dumpster-diving et glanage urbain
Fouiller dans une poubelle à l’arrière d’un supermarché n’est pas forcément la première chose à laquelle on pense… Pour moi, c’est la priorité et avec le temps, on y prend goût ! Un tiers de la production de nourriture mondiale finit dans les bennes à ordures alors autant faire d’une pierre deux coups : s’alimenter et partager.
Que ce soit en voyage ou dans la sédentarité, je suis un adepte du dumpster-diving depuis de nombreuses années et peu importe le nombre de kilogrammes récupérés, le plus important reste la sensibilisation et la lutte contre le gaspillage.
Partout dans le monde j’ai eu le malheur d’observer ces poubelles noyées sous des montagnes de nourritures encore comestibles alors maintenant il est temps de réfléchir avant de jeter !
En parallèle de l’art de plonger dans la benne, le glanage à la fin des marchés et les restaurants après leurs services offrent eux aussi de nombreux trésors consommables.
Monténégro
Grèce
Norvège
Canada
Cuisine locale
.Voyager c’est évidemment goûter ! Du serpent à l’araignée, du cafard au ver à soie et parfois de la table aux toilettes, rien n’est plus incroyable pour les papilles que de déguster des saveurs inconnues. Toujours dans une démarche locale, c’est forcément dans les « boui-bouis » les plus paumés et insalubres que l’on découvre les mets les plus ensorcelants.
Vendeuses de gras au Kirghizistan
se loger
En pleine nature
A quoi servent les 5 étoiles du Hilton lorsque l’on peut en avoir des millions sous les yeux ? Tente, hamac ou simplement allongé dans l’herbe, se reconnecter avec notre environnement c’est aussi savoir appréhender les nuits à la belle étoile. Parfois dérangés par les animaux et les hommes, les meilleurs souvenirs sont aussi les moments passés seuls à contempler l’éclat du ciel au milieu de l’obscurité la plus pure..
Azerbaïdjan
Tadjikistan
Dans un cimetière de bateau au bord de ce qui était avant la mer d'Aral, Ouzbékistan
Chez l'habitant
Contrairement aux idées reçues, ouvrir une porte à un inconnu n’est pas rare. L’hospitalité et le sens de l’accueil est présent partout sur les sentiers du monde. Le sourire bienveillant et le regard respectueux crée un lien de confiance entre le voyageur et son hôte. Dormir chez l’habitant, c’est être autorisé à rentrer dans une intimité volontairement dissimulée, parfois énigmatique mais tout le temps enrichissante. C’est apprendre à vivre le quotidien d’autres personnes qui ne partagent pas forcément la même culture, la même langue et les mêmes idéaux. Que ce soit dans un abri de fortune au fond du Pamir tadjike ou dans un appartement d’étudiants indiens, dans une famille polonaise ou une ferme albanaise, un centre de méditation birman ou un refuge de camionneurs kazakh, partager ces moments éphémères changent notre vision du monde et tout le monde en ressort plus ouvert !
Enfin un lit douillet en Albanie
A l'arrière d'un camion aménagé de voyageurs quelque part en Allemagne
Après une dure journée de stop en Pologne
(il y a déjà quelques années)
Dans un refuge de camionneurs au Kazakhstan, ( mon chauffeur est encore entrain de dormir )
Dans une famille pamiris, dans le Pamir oriental tadjike
Quand rien ne va....
Quand le bitume recouvre l’herbe verte, il faut savoir improviser. Sur un banc, dans des squats, avec des sans abris, caché dans un immeuble, sur des banquettes de restaurant 24h/24 ou encore derrière un buisson de parc public, il existe tout un tas d’endroits pour passer une nuit pas forcément tranquille mais toujours bien installé ! Et quand on y croit plus et que les bras se baissent, c'est là que la magie opère. Comme cette petite ville d'Italie qui m'a gentiment prêté les clés de la salle omnisports de la commune alors que j'étais en pleine hypothermie, seul sous une tempête quelques semaines après les tremblements de terre ayant ravagés cette même ville. Il faut toujours garder espoir car, quand rien ne va, le voyage s'occupe du reste...
En Finlande
Belle nuit en perspective
Auberge et homestay
Une auberge ou un homestay c’est l’endroit parfait pour souffler un peu. On y rencontre tout un tas de gens et on se fait de nouveaux amis avant de repartir. Sur la route il y a des hauts très hauts et des bas très bas alors quand le moral baisse ou que la solitude pèse, ces endroits permettent de recharger les batteries.
savoir donner et apprendre à recevoir
Sur la route, on reçoit beaucoup plus que l’on ne donne. C’est perturbant et très déstabilisant. Pourquoi ce sont toujours ceux qui possèdent le moins qui offrent le plus ? Nombreuses sont les fois où je me suis senti ridicule et honteux d’avoir tant reçu. De la nourriture, un abri, des vêtements, des objets, etc…
Sur la route rien ne se perd et tout se transforme. Il faut fouiller, réparer, traficoter, troquer. Dès qu’un peu de place se libère dans le sac et que le poids est supportable, je récupère tout un tas de choses qui finissent généralement dans les mains des locaux qui en ont le plus besoin. De la même manière, lorsque l’on me donne des objets j’essaye au maximum de les redistribuer en chemin.
Pour donner de sa personne, l’échange de services et le volontariat sont des options à envisager. Arracher des mauvaises herbes dans un jardin norvégien, baliser un parc protégé en Pologne, construire une maison à Bornéo, donner des cours de langue un peu partout, participer aux tâches quotidiennes des familles sont autant de possibilité pour devenir acteur de son voyage.
Faire du volontariat c’est malheureusement aussi se heurter à des réalités difficiles et à la désillusion. Nombreux sont les organismes qui ne sont pas si solidaires... A l’heure ou la bonne action et le tourisme humanitaire sont à la mode et font jolis dans le curriculum vitae, s’informer avant de s’engager est essentiel pour ne pas faire plus de mal que de bien.
Il m’aura fallu ensuite quelques milliers de kilomètres au compteur avant de comprendre qu’il existait pour moi une façon plus personnelle de donner sur la route. Après cette illumination inattendue pourtant si évidente et avec ma formation paramédicale, j’ai décidé d’offrir mes compétences aux populations qui m’aidaient en chemin. Je suis devenu malgré moi l’ostéotrotter en vadrouille.
consultation pour mes amis moines dans un centre bouddhiste de Birmanie
Toujours en Birmanie
Dans une famille en Birmanie ( par respect de la loi d'immigration et pour éviter tout désagréments à mes amis birmans, je n'ai pas dormi chez l'habitant dans ce pays )